Après une attente infinie, Free vient enfin de dévoiler sa nouvelle box v8. Très compacte et design, elle promet de résoudre un point noir des box actuelles, le Wi-Fi. Pour y arriver, les équipes de Xavier Niel semblent pourtant avoir fait des choix… surprenants.
Après la Freebox Delta, box Internet très haut de gamme lancée fin 2018, Free revient avec une Freebox v8, la Freebox Pop, ultra compacte, plus abordable, tournée vers la fibre et surtout pensée pour résoudre une question d’importance : le problème du Wi-Fi.
À l’heure où les routeurs Wi-Fi 6 se multiplient, en haut de gamme, surtout, mais également dans les dernières box de Bouygues ou SFR, Free maintient le cap du Wi-Fi 5 (802.11ac).
Les raisons avancées par Xavier Niel sont multiples et nous paraissent plus ou moins crédibles. À en croire, il ne s’agit pas d’une volonté de réaliser des économies, mais bien d’offrir une technologie éprouvée, rétrocompatible et qui offre le meilleur Wi-Fi possible. Si le premier point est recevable, les deux autres sont bien plus discutables.
Pas de Wi-Fi 6
Faisons un point rapide sur l’offre Wi-Fi de la Freebox Pop. Le Server est bibande AC2100 MU-MIMO, tandis que le répéteur est bibande, lui aussi, AC1200 DBS 2×2. Voilà pour les quelques détails techniques communiqués. Essayons maintenant de voir plus en détail ce que cela promet.
On l’aura compris, la Freebox Pop n’est pas Wi-Fi 6. Quand Xavier Niel annonce au micro de 01TV que cette nouvelle technologie sans-fil n’est pas standardisée, il dit vrai. Néanmoins, elle est suffisamment avancée dans ses versions draft pour que les grands acteurs du monde des produits réseau affirment que les modifications qui seront apportées d’ici la version définitive le seront de manière logicielle, via une mise à jour du microcode. Rien n’empêche donc a priori son adoption massive.
Autre justification, le patron de Free déclare que lors des tests réalisés par ses équipes, le Wi-Fi 6 a également fourni des performances moindres que le Wi-Fi 5. Difficile sur ce point de connaître le contexte de ces mesures.
On peut toutefois imaginer quelques cas, où dans un réseau Wi-Fi maillé, l’utilisation de canaux de 160 MHz, et non pas de 80 MHz, aboutirait à des débits moins bons en définitive. Mais c’est à charge alors du concepteur du routeur de faire les bons choix.
Par ailleurs, pour continuer de minimiser l’importance du Wi-Fi 6, dans le toujours dans le cadre de son interview sur 01netTV, Xavier Niel vante ce qui est selon lui la vraie future révolution du Wi-Fi, le Wi-Fi 6E. Quand cette norme sera disponible en France, une fois les fréquences libérées -et pas avant l’année prochaine- elle ajoutera une nouvelle plage de fréquences prometteuses en 6 GHz. Mais d’ici là, une solution existe pour faire mieux, alors parlons de bandes de fréquences.
Bi-bande seulement
Si on a fait notre deuil du Wi-Fi 6, on peut en effet se demander pourquoi la Freebox Pop est seulement bibande et non-tri-bande. Car Free aurait pu opter pour une solution Wi-Fi 5 tri-bande, à savoir un champ de fréquences en 2,4 GHz et deux en 5 GHz.
Pourquoi cette solution serait techniquement pertinente – même si sans doute plus coûteuse ? Parce que, dans le cadre d’une offre Wi-Fi maillé, à savoir deux ou plusieurs routeurs qui communiquent entre eux pour couvrir votre logement avec un seul et même réseau, elle permettrait de dédier une des bandes de fréquences à la communication entre les routeurs. Un backhaul sans-fil qui évite que les communications entre les routeurs pèsent sur les bandes de fréquences utilisées par les appareils connectés et qui peut aussi assurer une meilleure couverture, en permettant d’accroître un peu la distance entre les routeurs…
À défaut d’une troisième bande, Free aurait pu tabler sur une autre technologie pour assurer ce backhaul, ne serait-ce que de manière optionnelle, le CPL. Aussi imparfaite et tributaire de l’installation électrique soit-elle, la technologie de courant porteur en ligne est en effet utilisée depuis longtemps par Free, et l’est encore avec la Freebox Delta.
Avec une solution bi-bande, comme celle retenue par Free (ou par les Eero, d’Amazon, ou par le Nest Wi-Fi, de Google), si les répéteurs Wi-Fi (vendus à 29 euros, ce qui est une sacrément belle offre) sont positionnés à la chaîne, et non en étoile, le débit devrait aller en s’amenuisant de manière importante à chaque fois qu’on ajoute un nœud/répéteur au réseau.
Autrement dit, Free aurait pu offrir une bien meilleure connexion Wi-Fi 5 maillée, même si on comprend que sa Freebox Pop incarne une offre milieu de gamme.
La question des débits
Nous n’avons pas de statistiques à avancer, mais il paraît évident qu’en 2020, le nombre d’appareils qui se connectent en Wi-Fi dans un domicile moyen sont plus nombreux que les appareils filaires. C’est justement une des promesses du Wi-Fi 6, mais n’y revenons pas.
En l’espèce, Free promet jusqu’à 5 Gbit/s de débit entrants depuis son réseau. Pour le « partager », le Freebox Pop Server offre deux prises Ethernet Gigabit, une prise Ethernet 2,5 Gbit (pour brancher un PC de gaming ou… un routeur Wi-Fi 6 ?) et un réseau Wi-Fi AC2100. Soit un réseau sans-fil qui offre un débit théorique de 2100 Mbit/s. On est déjà à la moitié de la promesse du débit entrant. Si on détaille la répartition de ses 2100 Mbit/s, on s’éloigne encore plus du rêve d’un Wi-Fi à 2 Gbit/s. Les débits se répartissent vraisemblablement en 300 Mbit/s pour la plage de 2,4 GHz et en 1733 Mbit/s en 5 GHz. Le répéteur de la Freebox Pop affiche lui un débit Wi-Fi 5 maximal de 1200 Mbit/s, qui se répartit certainement en 300 Mbit/s sur la fréquence 2,4 GHz et 900 Mbit/s sur la plage 5 GHz.
Autrement dit, les appareils qui se connecteront au répéteur maillé ne devraient pas bénéficier d’un débit théorique supérieur à 900 Mbit/s. La technologie d’AP Steering, qui vous connecte au routeur le plus performant pour votre appareil, ou de Band Steering, qui choisit la bande de fréquences la plus adaptée, n’y changeraient rien.
Mais les rêves de Wi-Fi ultrarapide semblent devoir être oubliés. Free met en effet les choses au clair d’emblée sur son site. Le débit Wi-Fi sera de 500 Mbit/s maximum… Est-ce de la prudence ? Une limite fixée et infranchissable ? Impossible à dire pour le moment.
On peut toutefois se demander si le travail de conception des antennes et des algorithmes, effectué par les ingénieurs de Free, que Xavier Niel a tant vanté pendant son interview, fera la différence.
Free aurait clairement pu faire mieux d’un point de vue de la fiche technique. Néanmoins, si la Freebox Pop résout déjà la question de la couverture, tout en offrant des débits honnêtes, une grosse partie du problème du Wi-Fi des box sera résolu.
Attendons de voir ce que donne l’application de ces choix technologiques dans un contexte d’utilisation réelle. Si Free fait aussi bien que Google ou Amazon, il aura bien œuvré… sans toutefois vous donner les moyens de profiter pleinement des 5 Gbit/s annoncés.